Pourquoi l’imagination est une nourriture indispensable à l’enfant ?

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05/04/2021 par l'équipe En Cavale

Longtemps, la psychologie a vu dans l’imagination chez l’enfant un mode de pensée immature, peu à peu remplacée par la pensée rationnelle et logique de l’adulte. Pensez à ce pauvre Peter Pan qui, lorsqu’il doit retourner au Pays Imaginaire, a bien du mal à comprendre comment il peut manger.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui, notamment grâce aux travaux de Paul L. Harris, psychologue spécialiste du développement de l’enfant à Harvard. Plus qu’une simple étape dans le développement, on voit aujourd’hui dans le développement de l’imagination chez les enfants le début d’un mode de pensée que nous utilisons tout au long de la vie.

L’imagination pour appréhender le monde alentour

En effet, l’imagination, c’est la capacité à voir autre chose que ce qui est juste sous notre nez, à envisager la possibilité d’existence de quelque chose qui ne nous est pas immédiatement accessible. Et ça, nous en avons tous besoin. Résoudre un problème, se jouer un dialogue imaginaire pour mieux préparer son entretien annuel, trembler dans son lit après avoir regardé un film d’horreur : les adultes aussi ont sans cesse recours à leur imagination.

L’imagination ce n’est donc pas seulement pour les enfants, ni une étape vers une pensée plus rationnelle : c’est un mécanisme profondément humain. L’imagination, ce n’est pas seulement ce qui est “irréel” : c’est aussi la possibilité d’appréhender ce qui a existé mais n’existe plus, ou ce qui existe ailleurs, ou ce qui existe sans que nous puissions le voir (la Terre qui tourne autour du soleil par exemple).

Pour que l’enfant gère ses émotions et s’en créé de nouvelles

En ce sens, l’imagination permet aux enfants non pas de fuir le réel mais de mieux le comprendre. En lisant ou en se construisant des histoires par exemple, les enfants se familiarisent avec les intentions et les motivations des personnages. Voir ainsi le monde avec les yeux d’autrui favoriserait une plus grande empathie : les enfants avec des amis imaginaires ont ainsi une meilleure compréhension des émotions des autres.

En jouant au fameux “on dirait que”, les enfants se familiarisent avec la pensée contrefactuelle : que se passerait-il différemment si… ? Il est possible également que la construction de scénarios facilitent l’acquisition du langage chez les enfants.

Pour Paul L. Harris, l’imagination ne permet pas seulement de canaliser ses émotions, mais aussi d’en créer, et donc d’apprendre à les gérer : la peur du monstre, la tristesse de l’enfant qui a perdu son chien, l’excitation de l’espion.ne en mission.

L’imagination est donc nécessaire à toute pensée.

Notre rôle en tant qu’adulte : laisser le champ libre

Quel rôle pour les adultes là-dedans ? D’abord, ne pas paniquer. Les enfants sont tout à fait capables de discerner ce qui est “vrai” de ce qui ne l’est pas. Ils sont conscients que dans le monde quotidien, les animaux ne parlent pas, et les tapis ne volent pas. Même les enfants qui ont un ami imaginaire (et ils sont nombreux, environ 60% d’après cette étude) sont parfaitement conscient qu’il n’existe pas “pour de vrai”.

Lorsque la capacité d’imagination apparaît, je ne pense pas qu’elle ait besoin d’être retenue, contrôlée, soumise à une pensée qui serait plus raisonnable ou rationnelle. Bien au contraire : l’imagination est nécessaire à la pensée de l’enfant dès ses 18 mois et continue à l’être jusqu’à la vie adulte.

Paul L. Harris (Entretien à Sciences Humaines, 2004)

Laisser les enfants se créer et évoluer dans leur monde imaginaire, même si on ne le comprend pas vraiment, est un très bon moyen de stimuler leur imagination. C’est paradoxalement en leur laissant le champ libre que l’on peut peut-être le mieux stimuler leur imagination. Il faut en quelque sorte de l’espace mental pour que l’imagination se déchaîne. Mais les adultes peuvent aussi jouer le rôle de guide.

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